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Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/321

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que dans celui-ci. Le drame est toujours en marche.

Une conséquence de la méthode racinienne, c’est que les sentiments et les passions, saisis d’abord à une très petite distance de la catastrophe, sont violents dès le début, et que cette violence ne peut qu’aller croissant. C’est une nécessité du système, et en même temps cela est conforme au goût de Racine, qui est lui-même une âme extraordinairement sensible et violente et qui, nous l’avons vu, fit souvent à ses contemporains l’effet d’un brutal.

(On a dit— et je vous l’ai rappelé à propos d’Andromaque et d’Iphigénie— que, dans la plupart des tragédies de Racine, les mœurs et les actions ne semblent pas du même temps, et que les actions ont des siècles de plus que les mœurs et le langage. Mais ce contraste serait-il une convention si forte ? Il arrive souvent, dans la réalité, que sous l’homme civilisé surgisse un sauvage poussé par les forces aveugles des nerfs et du sang. Racine nous présente communément des hommes et des femmes parfaitement élevés et qui, à certaines heures, en dépit de leur politesse et de leur élégance, font des choses atroces, commettent des crimes. Cela ne s’est-il jamais vu ? Cela ne s’est-il pas vu dans la société du XVIIe siècle ? Cela ne se voit-il pas encore aujourd’hui ? — Rien de plus philosophique que la tragédie, quand elle nous montre les forces élémentaires, les instincts primitifs