Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/116

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  Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là.
  Elle songe sans doute au mal qui m’exila
  Loin d’elle, l’autre hiver, mais sans trop d’épouvante :
  Car je suis sage et reste au logis quand il vente.
  Et puis, se souvenant qu’en octobre la nuit
  Peut fraîchir, vivement et sans faire de bruit,
  Elle met une bûche au foyer plein de flammes.
  Ma mère, sois bénie entre toutes les femmes !

Ou cette autre :

  Dans ces bals qu’en hiver les mères de famille
  Donnent à des bourgeois pour marier leur fille,
  En faisant circuler assez souvent, pas trop,
  Les petits fours avec les verres de sirop,
  Presque toujours la plus jolie et la mieux mise,
  Celle qui plaît et montre une grâce permise
  Est sans dot — voulez-vous en tenir le pari ? —
  Et ne trouvera pas, pauvre enfant, un mari.
  Et son père, officier en retraite, pas riche,
  Dans un coin fait son whist à quatre sous la fiche.

J’en pourrais citer bien d’autres encore. Souvent l’album de croquis d’un peintre fait plus de plaisir que ses grands tableaux. Rien ne vaut telle impression rare fixée toute vive par l’artiste au moment même où il en a été frappé. Oui, je le sais, et qu’on peut préférer cela à de gros livres et à de grandes machines. J’aime à suivre le poète accueillant tous les rêves légers qui lui viennent des choses, effleurant d’une souple sympathie tout ce qu’il rencontre en chemin ; bienveillant au pêcheur à la ligne, même au « calicot » qui canote le dimanche et « que le soleil couchant n’attriste pas », puis rêvant d’être conservateur des hypothèques et fabuliste dans « une ville très calme