Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/134

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si fortes ; je songe que la patrie, c’est tout ce qui m’a fait ce que je suis ; ce sont mes parents, mes amis d’à présent et tous mes amis possibles ; c’est la campagne où je rêve, le boulevard où je cause ; ce sont les artistes que j’aime, les beaux livres que j’ai lus. La patrie, je ne me conçois pas sans elle ; la patrie, c’est moi-même au complet. Et je suis alors patriote à la façon de l’Athénien qui n’aimait que sa ville et qui ne voulait pas qu’on y touchât parce que la vie de la cité se confondait pour lui avec la sienne. Eh ! oui, il faut sentir ainsi : c’est si naturel ! Mais il ne faut pas le dire : c’est trop difficile, et on n’a pas le droit d’être banal en exprimant sa plus chère pensée.


II

M. Édouard Grenier serait donc, en résumé, quelque chose comme un Lamartine sobre, un Musset décent, un Vigny optimiste. Mais lui, direz-vous, où donc est-il dans tout cela ? Il est dans de petites pièces dédiées à ses amis, semées sur des albums, qui assurément ne lui ont pas coûté un si grand effort que le Prométhée et qui se trouvent être charmantes. Voyez cette « épigramme » d’anthologie moderne :

  Insondable et plein de mystère,
  L’infini roule triomphant
  Et dans son sein porte la terre,
  Comme une mère son enfant.