Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/136

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  Celui-là, qui vous dit qu’il n’est pas ce génie
  À qui vous avez dû plus d’une heure bénie ?
  Cet autre, un jour, sera votre frère d’exil ;
  Ce dernier, un sauveur à l’heure du péril.
  Cette femme voilée et qui marche avec grâce,
  Qui sait si ce n’est pas votre bonheur qui passe ? etc.

M. Grenier nous dit dans sa préface avec une fierté légitime et une modestie exagérée :

«… Tout ce qu’il m’est permis d’entrevoir et de dire, c’est que j’ai cherché la clarté, la pureté et l’élévation ; j’ai aspiré au grand art. On sentira, je pense, dans ces pages, le jeune contemporain de Lamartine, de Vigny, de Brizeux et de Barbier, pour ne parler que des morts et de ceux que j’ai connus et aimés. Nous sommes bien loin de tout cela maintenant. Pour ma part, je me fais l’effet d’un attardé, d’un épigone. Pourvu que je n’aie pas l’air d’un revenant ! »

Non, M. Grenier n’est point un revenant, mais un représentant distingué d’une génération d’esprits meilleure et plus saine que la nôtre. On ne sait si son œuvre nous intéresse plus par elle-même ou par les souvenirs qu’elle suscite ; mais le charme est réel. Toute la grande poésie romantique se réfléchit dans ses vers, non effacée, mais adoucie, comme dans une eau limpide et un peu dormante ; mais, si elle ne dormait pas, elle ne réfléchirait rien du tout.

Et la morale de tout ceci est bien simple : Visez haut, faites de beaux rêves, et, comme dit l’autre, « il en restera toujours quelque chose ».