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III

Un moyen d’arranger tout, c’est d’élargir le front d’Athènè ; c’est de donner à des idées et à des sentiments modernes quelque chose de la forme antique. Nos artistes n’y ont point manqué. Pour ne parler que des romans de Mme Juliette Lamber, que de choses dans son hellénisme qui ne sont pas tout à fait grecques !

Autant que j’en puis juger, les anciens Grecs pouvaient être religieux, ils n’étaient pas dévots ; ils ne connaissaient pas ce que les théologiens appellent la piété affective. Ils concevaient la prière, soit comme une opération commerciale, donnant donnant, soit comme une spéculation philosophique. Il ne me paraît pas qu’il y ait l’accent de la piété, même dans l’hymne de Cléanthe à Jupiter, dans l’invocation de Lucrèce à Vénus, ou dans les prières qu’on pourrait récolter chez Sénèque ou Cicéron, ou dans les chœurs des tragiques. Je ne vois guère que les Bacchantes et l’Hippolyte d’Euripide où sonne un peu cet accent. Mais combien il est plus vibrant dans les prières chrétiennes ! Or les héroïnes de Mme Juliette Lamber — Hélène et Ida — prient Apollon ou Artémis un peu à la façon dont une religieuse prie Jésus ou la Vierge, avec des élans d’amour, un abandon de soi, des hallucinations, une assurance d’être aimée et préférée de son dieu…