Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/155

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couleurs, la fantasmagorie du lac de Garde au soleil couchant[1] ; un Grec sur une montagne n’eût pas noté ni peut-être éprouvé une impression de ce genre :

Des cimes plus hautes se dressent… On se trouve tout à coup seul dans des espaces où l’œil n’a plus qu’une vision éclatante et rayonnante, où l’intelligence distendue devient vague et n’a que des perceptions de largeur, de lumière, de cercle immense[2].

Surtout un Grec n’eût pas écrit et n’eût pas trop compris des passages comme celui-ci :

Hélène admire l’univers et croit le comprendre. Cependant, sous ce qu’elle voit, il lui semble qu’un inconnu l’attire pour la charmer. Qu’est-ce donc que le mystère du réel ? Où se cache-t-il ? Dans les choses ou dans l’être ? Les secrets du dehors sont-ils écrits sur ce qui se manifeste aux yeux, ou bien renfermés au plus profond de nous[3] ? Etc.

Ne seraient-ce là que des mots, non pas vains sans doute, mais qui répondent à des sentiments mal définis et peu définissables ? En réalité, aimer la nature et la « comprendre », qu’est-ce que cela ? Cela signifie d’abord qu’elle rafraîchit notre sang, caresse nos oreilles, amuse nos yeux, et qu’elle nous procure une série ininterrompue de sensations

  1. Jean et Pascal, p. 215 sqq.
  2. Païenne, p. 201.
  3. Laide p. 193 sqq.