Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/17

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funambulesque ; car c’est là seulement que sa théorie est vraie et qu’elle peut être appliquée tout entière. Seulement il me paraît se méprendre un peu sur sa part d’invention. Il prétend être le premier qui ait « cherché à traduire le comique non par l’idée (comme il nous le dit dans une langue un peu douteuse), mais par des harmonies, par la virtualité des mots, par la magie toute-puissante de la rime ». Il a voulu montrer que « la musique du vers peut éveiller tout ce qu’elle veut dans notre esprit et créer même cette chose surnaturelle et divine, le rire », et que « l’emploi d’un même procédé peut exciter la joie comme l’émotion dans les mêmes conditions d’enthousiasme et de beauté ».

Ces derniers mots, qui sont d’un assez mauvais style (et, si je le remarque, c’est que l’impuissance à exprimer les idées abstraites fait partie de l’originalité de M. de Banville), ces derniers mots sont peut-être excessifs ; mais le reste revient à dire qu’il a voulu tirer de la rime et du rythme des effets comiques et réjouissants. Or cela est évidemment possible ; mais aussi cela avait été fait bien avant lui. D’autres avaient soupçonné que la rime n’est point seulement capable d’être grave ou tragique et que, prise en soi et cultivée pour elle-même, elle est surtout divertissante. Villon (pour ne pas remonter plus haut) a connu la rime opulente et comique par son opulence même. Et Régnier non plus ne l’a point ignorée, ni les poètes du temps de Louis XIII, ni