Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/179

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impressions de songe où tout commence à se brouiller que Mme Daudet a su merveilleusement exprimer — avec une légèreté de main féminine. Faut-il des exemples ? Voici la fin du repas, le dimanche :

… Pourtant, l’heure du coucher sonnée depuis longtemps à la vieille pendule, nos rires devenaient moins bruyants. Il y avait comme un nuage épandu sur la table où le dessert dressait ses colombes en sucre et les couleurs vives des confiseries. Les petits yeux frottés du poing, écarquillés pour mieux voir, se rouvraient tout à coup, saisis par le bruit du repas.

La fête, cette belle fête, attendue, désirée si longtemps, s’effaçait déjà avant de finir et se terminait dans une sorte de rêve ; on s’en allait, passé de main en main, avec de tendres baisers sur les joues. Du départ on ne se rendait compte que par une suite de sensations connues : la chaleur des vêtements soigneusement enroulés, la secousse de l’escalier descendu, la fraîcheur vive de la nuit et de la rue pour aller jusqu’à la voiture ; enfin le bercement d’une longue course qu’on aurait voulu voir durer toujours, et le bien-être profond de ce grand sommeil sans rêves qui prend les enfants en pleine vie sans leur donner le temps d’achever leur sourire… </poem>

Et cette entrée dans le bal d’enfants :

… Déjà, dès en entrant, on entendait un peu de musique, des petits pieds ébranlant le parquet et des bouffées de voix confuses. Je prends la main d’une petite Alsacienne en corsage de velours, et maintenant voici l’éblouissement