Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/212

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seulement craint de douter, Pascal est devenu fou. Et M. Renan est gai !

Passe encore s’il avait changé de foi : il pourrait avoir la sérénité que donnent souvent les convictions fortes. Mais ce philosophe a gardé l’imagination d’un catholique. Il aime toujours ce qu’il a renié. Il est resté prêtre ; il donne à la négation même le tour du mysticisme chrétien. Son cerveau est une cathédrale désaffectée[1]. On y met du foin ; on y fait des conférences : c’est toujours une église. Et il rit ! et il se dilate ! et il est gai !

Cet homme a passé vingt ans de sa vie à étudier l’événement le plus considérable et le plus mystérieux de l’histoire. Il a vu comment naissent les religions ; il est descendu jusqu’au fond de la conscience des simples et des illuminés ; il a vu comme il faut que les hommes soient malheureux pour faire de tels rêves, comme il faut qu’ils soient naïfs pour se consoler avec cela. Et il est gai !

Cet homme a, dans sa Lettre à M. Berthelot, magnifiquement tracé le programme formidable et établi en regard le bilan modeste de la science. Il a eu, ce jour-là, et nous a communiqué la sensation de l’infini. Il a éprouvé mieux que personne combien nos efforts sont vains et notre destinée indéchiffrable. Et il est gai !

Cet homme, ayant à parler dernièrement de ce

  1. Le mot est de M. Alphonse Daudet.