Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/240

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point écrit, dont tous les acteurs soient effectivement plats ou ignobles et ne soient que cela ; je suppose en même temps, bien entendu, que l’auteur n’est point un médiocre écrivain. Mais alors, s’ils ne m’intéressent assurément pas en tant qu’ignobles et plats, ils m’intéresseront peut-être en tant que vrais et vivants ; car chacun d’eux pourra l’être en particulier, lors même que, pris ensemble, ils donneraient une idée fausse de la moyenne de l’humanité. Si ce n’est eux, c’est leur peinture qui m’attachera. À plus forte raison puis-je aimer l’Éducation sentimentale, et, en effet, je l’aime beaucoup, mais beaucoup ! Et si le livre pêche par quelque endroit, ce que je suis prêt à reconnaître, ce n’est point peut-être par les personnages, mais par l’action et la composition.

Non seulement la platitude générale des personnages déplaît à M. Brunetière : il condamne, comme une cause d’infériorité dans l’art, le parti pris ironique et méprisant de l’écrivain. Il croit à la nécessité d’un certain optimisme, ou du moins de la « sympathie pour les misères et les souffrances de l’humanité ». Mais d’abord cette sympathie peut s’exprimer de bien des façons : il y a un mépris de l’humanité qui n’est point exclusif d’une sorte de pitié et qui, d’autre part, implique justement un idéal très élevé de générosité, de désintéressement, de bonté. Et je crois que, malgré tout, c’était bien le cas pour ce pauvre Flaubert, qui était un si excellent homme, mais entier dans tous ses sentiments, comme un enfant ; et même je ne trouve