Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/30

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tiers des mots effacés, estimant que la poésie est dans le vers tout entier et dans le rythme aussi bien que dans la rime, et craignant sans doute que la rime ne tirât tout le vers à elle, ne le dévorât, et aussi que son opulence ne sentît trop le tour de force. Quand La Harpe condamnait chez Roucher, comme rimes trop voyantes, flèche et brèche, je foule et en foule, il était en plein dans la tradition classique. On laissait ces amusettes au genre burlesque : Racine ne se les permettait que dans la farce des Plaideurs. La rime, pour ces patriarches, ne servait qu’à marquer la mesure : M. de Banville leur ferait l’effet d’un musicien qui, pour la marquer plus fortement, mettrait à chaque fois un point d’orgue et un coup de grosse caisse, et qui, dans les intervalles, soignerait médiocrement sa phrase mélodique.

Ces anciens hommes auraient tort. La vérité, c’est qu’il y a au moins deux manières de faire les vers (et qui se peuvent combiner) : une à l’usage des poètes dramatiques, élégiaques, philosophes, et, en général, des poètes qui analysent et qui pensent : et une autre pour les poètes qui n’ont que des yeux, pour les lyrico-descriptifs. Et c’est celle-là que M. de Banville a merveilleusement définie.


IV

Et voyez comme tout se tient. Il n’y a que le lyrisme descriptif où soient applicables les procédés de com-