Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/300

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                O belles, évitez
  Le fond des bois et leur vaste silence.

Or voyez comme dans Une partie de campagne tout se précise et se « réalise » ; rappelez-vous M. et Mme Dufour, leur fille Henriette sur la balançoire dans une guinguette de Bezons, et les deux canotiers, et le petit bois de l’Ile-aux-Anglais, et la promenade de la mère faisant pendant à celle de la fille, et à l’arrière-plan M. Dufour et le jeune homme aux cheveux jaunes, le futur, tout cela donnant à l’idylle une saveur de réalité ironique et tour à tour triste et grotesque. Remarquez que l’héroïne de La Fontaine est une bachelette « au corps gent » : celle de M. de Maupassant est une grande fille brune. Cette différence n’a l’air de rien : elle est pourtant grosse de conséquences ; elle implique deux poétiques diverses.

De même, on peut se demander ce que serait devenue sous la plume de M. de Maupassant la Courtisane amoureuse. Le conte est fort joli, et vraiment touchant et tendre ; mais cela se passe n’importe où, en Italie, je crois ; le « milieu » est nul, les personnages n’ont aucun trait individuel. (Qu’on ne prenne point ceci pour une critique ; ce n’est qu’une remarque). Il est évident que M. de Maupassant, rencontrant le même sujet, l’eût traité tout autrement. Constance, je suppose, ne serait plus la créature gracieuse et seulement à demi réelle du conte italien : ce serait une « fille » et qui aurait quelque signe