Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

comme Flaubert, il en fait sentir « l’embêtement » en évitant tout ce qui ressemble à une composition dramatique. Ce qui est propre à M. Huysmans, c’est d’abord, si l’on veut, cette sorte de combinaison des deux manières ; mais, de plus, M. Huysmans ne s’abstrait jamais de son œuvre : il s’y met tout entier à chaque instant. Dans chacun de ses romans un personnage le représente, et l’on dirait que c’est ce personnage qui a écrit le roman. Léo, dans Marthe, et surtout Cyprien Tibaille, dans les Soeurs Vatard, sont déjà comme un premier crayon de des Esseintes.

M. Huysmans est une espèce de misanthrope impressionniste qui trouve tout idiot, plat et ridicule. Ce mépris est chez lui comme une maladie mentale, et il éprouve le besoin de l’exprimer continuellement. En moins de vingt pages (les Soeurs Vatard, pp. 128-sqq.), il souffre de la joie grossière des Parisiens le dimanche, il note « le sentimentalisme pleurnichant du peuple », il a des « écoeurements » à voir « les bandes imbéciles des étudiants qui braillent » et cette « tiolée de nigauds qui s’ébattent dans des habits neufs, de la place de la Concorde au Cirque d’été ». Ces mépris, au reste, n’ont rien de bien original, ni de bien philosophique non plus. Mais voici qui est particulier : bien que personne ne supporte plus mal que lui la platitude de l’humanité moyenne, c’est cette platitude qu’il s’obstine à peindre. De même, il est extrêmement sensible à la saleté, à l’odeur, à la misère, aux spécimens d’art grotesque