Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/342

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comme le reste, est pleine de néologismes inutiles, d’impropriétés et de ce que les pédants appellent des solécismes et des barbarismes. Et de même que les écrivains latins du Ve siècle, tant aimés de des Esseintes, hésitaient sur la syntaxe et même sur les conjugaisons, M. Huysmans n’est pas très sûr de ses passés définis. Il écrit par exemple « requérirent » pour « requirent » et dit couramment : « Cette maladie qu’elle prétendait la poigner », et : « Une immense détresse le poigna ».

Ai-je besoin de dire que, si je signale ces inadvertances, ce n’est point pour en triompher ? Le style de M. Huysmans n’en est pas moins savoureux. Bien plus, je crois que l’ignorance de beaucoup de jeunes écrivains est une des causes de leur originalité, je le dis sans raillerie. Un lettré, un mandarin, a beaucoup plus de peine à être original. Il lui semble, à lui, que tout a été dit, ou du moins indiqué, et que cela suffit. Il a la mémoire trop pleine ; les impressions ne lui arrivent plus qu’à travers une couche de souvenirs littéraires. Mais ces nouveaux venus ont fait de très médiocres humanités : il y paraît à la façon dont ils parlent des classiques. Ils n’ont rien qui les gêne ; il leur semble, à eux, que rien n’a été dit. Ils sont amusants à regarder : ce sont en réalité des primitifs, des sauvages, — mais des sauvages à la fin d’une vieille civilisation et avec des nerfs très délicats. Et vraiment il leur arrive de voir, de sentir plus vivement que les mandarins. Parmi beaucoup de naïvetés,