Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/42

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Voyez-vous poindre les Stances, les Épreuves, les Solitudes, les Vaines tendresses et toutes ces merveilles de psychologie qui durent surprendre, — car la poésie ne nous y avait pas habitués, et un certain degré de subtilité dans l’analyse semblait hors de son atteinte ?

  Le pinceau n’est trempé qu’aux sept couleurs du prisme.
  Sept notes seulement composent le clavier…
  Faut-il plus au poète ? Et ses chants, pour matière,
  N’ont-ils pas la science aux sévères beautés,
  Toute l’histoire humaine et la nature entière[1] ?


N’est-ce pas l’annonce de plusieurs sonnets des Épreuves, des Destins, du Zénith et de la Justice ?

En attendant, le poète jette sur la vie un regard sérieux et superbe. Il voit le mal, il voit la souffrance, il s’insurge contre les injustices et les gênes de l’état social (le Joug) ; mais il ne désespère point de l’avenir et il attend la cité définitive des jours meilleurs (Dans la rue, la Parole). Même le poème grandiose et sombre de l’Amérique, cette histoire du mal envahissant, avec la science, le nouveau monde après l’ancien et ne laissant plus aucun refuge au juste, finit par une parole confiante. Le poète salue et bénit les Voluptés, « reines des jeunes hommes », sans lesquelles rien de grand ne se fait, révélatrices du beau, provocatrices des actes héroïques et instigatrices des chefs-d’œuvre. Lui-même sent au cœur leur morsure

  1. Encore.