Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/84

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les gnomiques et les poètes philosophes, condensait toute la science humaine ; elle le peut encore aujourd’hui.


X

Bien des choses resteraient à dire. Surtout il faudrait étudier la forme de M. Sully-Prudhomme. Il s’en est toujours soucié (l’Art, Encore). Elle est partout d’une admirable précision. Voyez dans les Vaines tendresses, l’Indifférente, le Lit de Procuste ; le premier sonnet des Épreuves ; les dernières strophes de la Justice : je cite, à mesure qu’elles me reviennent, ces pages où la précision est particulièrement frappante. Il va soignant de plus en plus ses rimes ; la forme du sonnet, de ligne si arrêtée et de symétrie si sensible, qui appelle la précision et donne le relief, lui est chère entre toutes : il a fait beaucoup de sonnets, et les plus beaux peut-être de notre langue. Or la précision est du contour, non de la couleur : M. Sully-Prudhomme est un « plastique » plus qu’un coloriste. En Italie il a surtout vu les statues et, dans les paysages, les lignes (Croquis italiens). Quand il se contente de décrire, son exactitude est incomparable (la Place Saint-Jean-de-Latran, Torses antiques, Sur un vieux tableau, etc.). Son imagination ne va jamais sans pensée ; c’est pour cela qu’elle est si nette et d’une qualité si rare : elle subit le contrôle et le travail de la réflexion qui corrige, affine, abrège. Il