Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/97

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trop de pensée. On examine curieusement « comment c’est fait » ; on aime à toucher du doigt et à retourner le joyau bien ciselé. Lisez ce commencement des Intimités (où il y a d’ailleurs autre chose que de la virtuosité) :

  Afin de mieux louer vos charmes endormeurs,
  Souvenirs que j’adore, hélas ! et dont je meurs,
  J’évoquerai, dans une ineffable ballade,
  Aux pieds du grand fauteuil d’une reine malade,
  Un page de douze ans aux traits déjà pâlis
  Qui, dans les coussins bleus brodés de fleurs de lis,
  Soupirera des airs sur une mandoline,
  Pour voir, pâle parmi la pâle mousseline,
  La reine soulever son beau front douloureux,
  Et surtout pour sentir, trop précoce amoureux,
  Dans ses lourds cheveux blonds où le hasard la laisse,
  Une fiévreuse main jouer avec mollesse.

Les jolis mots ! les doux sons ! les charmantes rimes ! Et comme la période se prolonge en serpentant et vient mourir avec langueur ! La remarque vaut, je crois, la peine d’être faite : la période poétique de M. François Coppée est souvent d’une extrême ampleur, mais, si je puis dire, avec des articulations molles et non saillantes ; sinueuse et longue comme Biblis au moment où elle va se fondre en eau, ou comme les corps des nymphes et des déesses dans l’orfèvrerie florentine. Et dans le déployé et le flottant de cette phrase tous les détails restent précis. Cela est d’un art très curieux.

Quand il s’agit des poèmes de M. Coppée, souvent certes on peut parler de « chefs-d’œuvre » au sens