Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/125

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Et pourtant, bien que ce soit immense, audacieux, et que les détails y soient d’un caprice abondant, cela ne paraît pas, après tout, si hardi, si touffu, si fou que la cathédrale de Rouen, par exemple, ou celle de Chartres. Les piliers sont presque des colonnes doriques ; les ogives sont presque des pleins cintres. Il y a là de la mesure, du goût : cette énormité a quand même quelque chose de parisien, un je ne sais quoi, mais sensible.

On paye quinze centimes pour entrer dans la grande nef. Des sectateurs intransigeants de l’Évangile, qui d’ailleurs ne l’ont jamais lu et qui ne hantent pas les églises, auraient une belle occasion de s’écrier ici : « Ô sainte égalité des hommes devant Dieu ! Il faut payer, il faut être riche pour entendre la parole de Celui qui aimait les pauvres ! Il y a des places réservées aux capitalistes dans les temples du Dieu de Bethléem ! On vend ton verbe, ô Christ ! et tes prêtres trafiquent de toi » — Hélas ! outre que ces trois sous vont assurément à des œuvres avouables, les conférences de Notre-Dame ne sont point faites pour les pauvres gens. Ils n’y viennent pas, ou, s’ils y viennent d’aventure, comme ce sont évidemment des simples et des résignés, ils ne s’irritent point d’être exclus des chaises réservées ; ils acceptent avec la douceur de l’habitude les plus mauvaises places à l’église comme dans la vie : cela leur semble naturel. Et si les belles phrases savantes et cadencées n’arrivent à leurs oreilles que par lambeaux confus,