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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/127

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très pieux, très candide et très pur (peut-être votre Hubert Liauran avant la chute, mon cher Paul Bourget !). Il remue les lèvres, dit son chapelet, baise la petite croix de temps en temps. — Un peu plus loin, un petit frère de la Doctrine chrétienne, figure naïve, de bonnes grosses joues, crâne pointu avec le rouleau de cheveux sur la nuque : on voit de ces silhouettes dans les Contes drolatiques illustrés par Gustave Doré. — Plus loin encore, un homme sans âge, barbe à tous crins, front haut, serré aux tempes, des yeux brillants, l’air farouche, un de ces masques durs de fanatiques comme on en rencontre aussi dans les réunions anarchistes : avec d’autres pensées, le cerveau est certainement le même. — Mais le peuple, où est-il ? Je n’ai pas aperçu un homme en blouse ou en bourgeron dans cette église où jadis le peuple était chez lui, où il venait oublier sa dure vie, s’enchanter d’une vision de paradis, de belles processions étincelantes de chasubles et de bannières et enveloppées d’encens comme une aurore de pourpre dans une brume d’or.

Tout à coup un chant s’élève du fond de la basilique, d’une chapelle qu’on ne voit pas, un chant d’enfant de chœur, à la fois grêle et velouté et comme ouaté par la distance. On dirait la plainte d’un oiseau chantant tout seul à l’extrémité d’une forêt magique. Cette voix psalmodie la belle prière : « Attende, Domine, et miserere, quia peccavimus tibi. Écoutez, Seigneur, et ayez pitié, car nous avons péché contre vous. »