Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/136

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Lacordaire. En ce temps-là, il me semble qu’il y avait, autour des catholiques pratiquants, un grand nombre d’hommes qui avaient au moins l’imagination chrétienne et un fonds de religiosité, des esprits souffrant de leur doute, enclins aux vastes spéculations, tourmentés par ce qu’on est convenu d’appeler les grands problèmes. Aujourd’hui on ne se pose plus de questions du tout. L’abîme s’est élargi, j’en ai peur, entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas, et, quand ceux-ci ne sont pas installés dans la négation absolue, ils se jouent dans un scepticisme curieux et parfaitement tranquille. Lacordaire parlait devant Lamartine, Hugo, Berryer, Guizot, Cousin, devant des hommes dont on ne retrouverait guère les pareils. On ne saurait donc trop louer le Père Monsabré d’avoir transformé les conférences en majestueuses homélies.

Et c’est peut-être encore le meilleur moyen de toucher, Dieu aidant, l’âme des incrédules, si d’aventure il s’en mêlait quelques-uns au troupeau des fidèles. Faut-il le dire ? La vérité de la religion catholique ne se démontre pas. Car, s’il s’agit des dogmes et des mystères, on ne saurait croire au surnaturel pour des motifs rationnels : cela implique contradiction. Et s’il s’agit de la révélation considérée comme un fait historique, j’ai rencontré des ecclésiastiques qui reconnaissaient que pour un esprit muni de critique et non prévenu par la grâce, il peut y avoir, à la rigueur, autant de raisons de rejeter ce fait que de l’admettre. Dès lors le prédicateur n’a rien de mieux à faire que