Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/199

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être bien neuves, qu’elles ajoutassent peu de chose au vieux trésor des anciens moralistes, qu’elles n’eussent guère d’autre valeur que celle d’un exercice élégant. Une époque avancée, comme celle où nous nous agitons stérilement, est sans doute une époque de grande expérience, mais aussi d’habileté extrême en tout genre. Nos contemporains sont adroits comme des singes. Or, les « maximes et réflexions », c’est un genre connu, qui a ses procédés. Une pensée, cela s’élabore intérieurement, mais cela se fabrique aussi par l’extérieur. Les moralistes ont laissé des moules : ces moules peuvent produire des pensées indéfiniment, car tout ce qu’on y coule devient pensée. Les Maximes de La Rochefoucauld ne sont plus ainsi qu’un jeu de société, et c’est pourquoi les femmes, avec leur faculté d’imitation, leur merveilleuse souplesse d’esprit, y ont maintes fois excellé. Jeu assez difficile, il faut le reconnaître, mais qui s’apprend enfin. Les moyens de réussir à ce jeu, il ne serait pas impossible, je crois, de les formuler, et ce serait même un joli sujet pour un chroniqueur, qui intitulerait cela : La Rochefoucauld dévoilé ou les principales manières d’écrire des pensées sans en avoir.

« D’abord un moraliste, cela est plus ou moins pessimiste, cela n’a pas d’illusions sur les hommes ni sur les mobiles de leurs actes. Il s’agit ordinairement, pour lui, de démêler la part d’égoïsme cachée partout, même dans les vertus. Un bon traité de psychologie classique, qui nous donne la liste complète des