Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/201

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« Mais surtout il faut feuilleter le dictionnaire et avoir dans la tête un certain nombre de tours de phrase ; car ce sont les mots eux-mêmes et les tours de phrase connus qui suggèrent le plus de pensées ».

« Voici d’abord une formule d’un assez grand usage. Il s’agit de trouver quatre sentiments, passions, vices, vertus, qualités, défauts, etc., dont les deux premiers soient entre eux dans le même rapport que les deux derniers. Le schème ordinaire est celui-ci : «… est à… ce que… est à… » Il est évident que, dès qu’on a les deux premiers mots, on parvient presque toujours à trouver les deux autres. Par exemple… (mais il va sans dire que mes exemples n’ont aucun prix : je les improvise et ils valent exactement ce qu’ils me coûtent), on me donne pudeur et innocence. Voyons un peu : La pudeur est à l’innocence… mettons : ce que la modestie est à la vertu ; ou bien : ce que le duvet est à la pêche ; ou bien ce qu’un léger voile est à la beauté. Et alors la « proportion » se corse d’une image. — Autre exemple. Je prends mélancolie et tristesse ; je songe tout de suite à rire et gaieté, et j’écris : La mélancolie n’est pas plus de la tristesse que le rire n’est de la gaieté. Cela ne veut rien dire, mais on ne s’en douterait pas.

« Nous appellerons cela la pensée algébrique ».

« La préoccupation de faire des antithèses suggère aussi beaucoup de pensées. Il est rare que la réunion de mots exprimant des idées contraires n’ait pas l’air de signifier quelque chose. L’amitié naît des confidences… voilà qui n’est pas difficile à trouver. Cherchez l’anti-