Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/217

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chez les autres femmes, et comme une grâce et une dignité de costume historique. Et le jeu de cette grande artiste n’est point seulement poignant et enveloppant à la fois ; il est personnel jusqu’à l’excès et pour ainsi dire coloré. J’ai déjà fait remarquer que rien n’était, en quelques endroits, d’une convention plus singulière que la diction de Mme Sarah Bernhardt. Tantôt elle déroule des phrases et des tirades entières sur une seule note, sans une inflexion, reprenant certaines phrases à l’octave supérieure. Le charme est alors presque uniquement dans l’extraordinaire pureté de la voix : c’est une coulée d’or, sans une scorie ni une aspérité. Le charme est aussi dans le timbre ; on sent que ce métal est vivant, qu’une âme vibre dans ces sonorités unies comme de longues vagues. D’autres fois, tout en gardant le même ton, la magicienne martelle son débit, passe certaines syllabes au laminoir de ses dents, et les mots tombent les uns sur les autres comme des pièces d’or. À certains moments, ils se précipitent d’un tel train qu’on n’entend plus que leur bruit sans en concevoir le sens ; c’est assurément un défaut que mon parti pris d’extase ne saurait m’empêcher de reconnaître. Mais souvent aussi cette diction monotone et pure d’idole ennuyée qui ne daigne pas se dépenser, comme le commun des mortels, en inflexions inutiles et bruyantes, a quelque chose de hautain et de charmant. Et cette diction convenait admirablement dans les parties plus apaisées du rôle de Fédora. Il y a de l’infini et du lointain dans cette