Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fournit mille rapprochements d’une justesse inopinée et frappante. Dès que la pièce étudiée prête à quelques réflexions sur l’histoire des mœurs, le voilà parti là-dessus, et je ne connais pas de moraliste mieux informé, plus acéré ni plus clairvoyant. Tout cela devrait lui suffire ; mais non : il y a chez lui, comment dirai-je ?… une imperceptible envie de nous étonner. Et voilà pourquoi, de moment en moment, éclatent comme des pétards des affirmations soudaines, absolues, déconcertantes, jetées avec d’autant plus d’assurance qu’elles sont plus contestables, et jetées presque toujours au courant et au détour d’une phrase, comme si ces assertions aventureuses étaient vérités reconnues et indiscutables.

Il s’agit du Juif errant d’Eugène Sue : « Prise en soi, la scène du pôle nord entre le Juif errant et la Voix de Dieu produit un effet de religieuse terreur. Il y a de l’Eschyle là dedans. » De l’Eschyle ? diable ! — « M. Claretie avait contre lui (dans Monsieur le Ministre) d’abord son sujet, vrai sujet de haute comédie. » Voilà qui va bien. «…Seul sujet de haute comédie, avec Rabagas et Dora, auquel les gens du métier aient songé dans ces douze dernières années. » On se demande : Est-il donc décidément impossible d’en trouver un quatrième, en cherchant bien ? — « M. Émile Augier est de la grande série qui part du Menteur. » Voyons la grande série. « La grande série, c’est Racine (les Plaideurs), Molière, Regnard, Le Sage, Marivaux, Destouches, Sedaine, Beaumarchais