Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/284

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saison de jolies fantaisies en l’air, cela doit vous conduire, quand enfin l’on s’est tourné vers l’étude du monde réel, à négliger ce qu’il a de banal et d’insignifiant, ce qui ne mérite pas d’être noté, pour s’attacher à ce qu’il contient de particulier et d’inattendu ; car, si l’on s’adresse à lui, c’est que l’on compte qu’il vous fournira des documents plus intéressants encore que vos imaginations d’autrefois.

Le petit Chose commence donc par la fantaisie et le rêve. À Nîmes, dans le jardin de « monsieur Eyssette », c’est un bambin imaginatif qui joue éperdument Robinson dans son île et qui s’attache aux objets avec une sensibilité violente. Quel déchirement quand il faut quitter Nîmes, la fabrique et le jardin !

Je disais aux platanes : « Adieu, mes chers amis, » et aux bassins : « C’est fini, nous ne nous verrons plus. » Il y avait dans le jardin un grenadier dont les belles fleurs rouges s’épanouissaient au soleil. Je lui dis en sanglotant : « Donne-moi une de tes fleurs. » Il me la donna. Je la mis dans ma poitrine en souvenir de lui[1].

À Lyon, où il fait souvent l’école buissonnière et passe des journées dans les bois ou le long de l’eau ; au collège de Sarlande, où il invente des histoires pour les « petits », à Paris même, où, fraîchement débarqué, de ses yeux de myope encore tout pleins de songerie, il s’essaye à regarder ce monde nouveau qu’il peindra si bien, le petit Chose, délicat et joli

  1. Le Petit Chose.