Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/291

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— Qu’est-ce que vous faites ? demande le père ; moi, je suis dans la charpente.

Le fils répond : — Moi, dans la menuiserie.

— Est-ce que ça va bien, chez vous, les affaires ?

— Non, pas fort.

Et la conversation continue sur ce ton… Pas la moindre émotion de se voir, rien à se dire, rien… Le litre fini, le fils se lève.

— Allons, mon père, je ne veux pas vous retarder davantage ; je vous ai vu, je m’en vais content. À revoir !

— Bonne chance, mon garçon.

Ils se serrent la main froidement ; l’enfant part de son côté, le père remonte chez lui ; ils ne se sont plus jamais revus.

Savez-vous rien de plus vrai et qui soit d’un effet plus singulier ? Et ne vous sentez-vous pas à cent lieues de la convention du mélodrame ou même du roman proprement dit ?

Voulez-vous encore des choses vues ?

Nous sommes dans le couloir d’un juge d’instruction. Une fillette sortant de Saint-Lazare aperçoit son amant assis, menottes au poing, à l’autre bout du couloir, et fait avec lui un bout de conversation par l’intermédiaire d’un brave homme de garde de Paris : « Dites-y bien que j’ai jamais aimé que lui, que j’en aimerai jamais un autre dans ma vie. » Et quand le garde a fait sa commission : « Qu’est-ce qu’il a dit ? — Il a dit qu’il était bien malheureux. — T’ennuie pas, m’ami… ; les beaux jours reviendront. — Va