Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/306

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un âpre canton des Cévennes, une petite ville ecclésiastique à deux cents lieues d’ici ; sa manière enfin, qui rappelle celle de Balzac et dont s’est déshabitué le roman contemporain. Œuvre sévère, vigoureuse, monotone, abrupte, imposante, avec des coins de tendresse, comme des vallons fleuris au flancs d’une montagne.

M. Ferdinand Fabre a déjà écrit une vingtaine de volumes, presque tous fort compacts. Quand on les a lus à la file, comme on doit le faire quand on est critique de son état, on éprouve d’abord le besoin de respirer. Laissez passer un mois : peu à peu le triage se fait entre les souvenirs. Certaines de ces figures se dressent dans la mémoire et oppriment les autres ; certains de ces romans laissent d’eux-mêmes une impression plus nette et plus profonde : et c’est de ceux-là seulement qu’il importe de parler. Le reste, eût-il des qualités très grandes, peut être négligé sans dommage… Pourquoi les romanciers ne savent-ils pas d’avance quels livres seront leurs chefs-d’œuvre, afin de n’écrire que ceux-là ? Ô sagesse éminente de Flaubert qui, ayant écrit en tout six volumes, n’en a écrit qu’un de trop ! Si tous faisaient ainsi, ils s’arrêteraient presque toujours avant la demi-douzaine, et ce serait un grand profit pour le lecteur et une grande économie de temps pour le critique. Car, voyez, nous sommes envahis. La marée des romans monte sans s’arrêter jamais. On n’a déjà plus le temps de lire Balzac ni George Sand. Il va falloir bientôt songer à en faire