Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/332

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place dans l’Église pour un homme comme lui et que c’est contre le pape lui-même qu’il s’est insurgé. Dès lors il sent sa foi même crouler et finit par le suicide.

Dans l’admirable conversation de l’évêque Jourfier avec le cardinal Finella (Balzac eût certainement signé ces pages), le subtil cardinal a une réflexion qui éclaire jusqu’au fond le caractère de « Lucifer » et toute cette histoire d’un prêtre qui n’est qu’un honnête homme :

Le ton de votre langage m’épouvante, et c’est moins par sa vivacité, hors de toute mesure, que par un tour trop direct où, passez-moi une expression hasardée, ne sonne pas assez l’âme ecclésiastique. Vous ne parlez pas comme un prêtre, vous parlez comme un laïque. Mon oreille a de singulières finesses pour entendre vibrer Dieu au fond de la voix humaine. Or je trouve que Dieu ne vibre pas au fond de votre voix. L’homme, encore l’homme, toujours l’homme. Si Dieu est votre préoccupation constante — un évêque doit vivre en présence du Seigneur, a écrit saint Cyprien, in conspectu Domini, — obéissez sans discussion, aveuglément, à l’autorité qu’il a placée sur vous.

Qu’est-ce donc que cet esprit laïque ainsi opposé à l’esprit ecclésiastique ? C’est, en somme, et si l’on va au fond, la morale naturelle opposée à la morale religieuse ; et la raison opposée à la foi. Un honnête homme selon le monde est déjà fort éloigné d’être un vrai catholique. Quelques-uns même des sentiments dont est formée sa vertu sont réprouvés ou suspectés par l’Église : ainsi, dans certains cas, le souci de