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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/334

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demment lui qui a tort. Une religion fondée sur une révélation surnaturelle doit, à mesure que son domaine terrestre s’étend, se résoudre dans l’infaillibilité d’un chef unique, et c’est à cela, en effet, qu’a tendu l’Église à travers les âges. Elle doit être de plus en plus, par la force des choses, une monarchie absolue dans le monde des âmes, une théocratie. En vain Jourfier veut défendre son pouvoir d’évêque contre les émissaires de l’autorité centrale et se réserver quelque liberté dans son for intérieur. Il parle de dignité personnelle ; mais « le prêtre est un être qui s’abandonne, se sacrifie, abdique ». Il avait cru pouvoir sauver quelque chose de lui-même : laïque, il l’aurait pu ; prêtre, membre de l’Église enseignante, il ne le peut pas. L’Église ne demande pas toujours au prêtre le sacrifice de son être tout entier ; mais elle peut toujours le lui demander, et surtout elle le lui demande dès qu’il paraît vouloir se reprendre. Jourfier s’en aperçoit peu à peu, et l’histoire de cette douloureuse découverte est tout le roman. Il se convainc qu’un prêtre ne fait pas à l’Église sa part ; et dès lors il faut ou qu’il se révolte ou qu’il s’immole. Encore un coup, il est rare que la question se pose avec cette netteté tragique et que l’Église ait l’occasion de revendiquer ses droits sur toute l’âme ; mais la question se pose ainsi pour tout prêtre qui réfléchit dès que certaines circonstances mettent en opposition directe ses sentiments naturels et sa foi.

M. Ferdinand Fabre n’a jamais mieux montré ce