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LES CONTEMPORAINS.


des dieux bienfaisants, des Ases, qui domptent Ymer et de son corps forment l’univers ; le rouge déluge que fait son sang ; l’apparition du premier couple humain ; Loki, le dernier-né d’Ymer, et le Serpent, et le Loup Fenris et tous les dieux du Mal vaincus par les Ases bienheureux ; la venue du jeune dieu Balder ; puis la suprême révolte de Loki, du Serpent, de Fenris et des Nains, et la fin misérable du monde. — La pensée de l’au-delà hantait ces hommes du Nord dans l’intervalle des tueries : ils étaient tout prêts pour le christianisme et devaient le prendre terriblement au sérieux. On se rappelle le discours d’un chef saxon à ses compagnons d’armes, dans Augustin Thierry. Seuls, les prêtres et les bardes, soit orgueil sacerdotal, soit qu’ils subissent la fascination de leurs propres théogonies ou que leurs dieux désertés leur deviennent plus chers, résistent au dieu nouveau. Le vieux barde de Temrah se tue sous les yeux du beau jeune homme inspiré qui, tour à tour, lui parle divinement du Christ et le menace sauvagement de l’enfer[1] ; et les prêtres et les vierges se laissent massacrer en chantant par le chef chrétien Murdoch, un farouche apôtre[2].

Les nouveaux convertis au Christ, Saxons, Germains, Gaulois, n’ont point dépouillé leurs mœurs barbares ni leur facilité à tuer et à mourir. Sans doute, ils ne sont point fermés à la douceur de Jésus ;

  1. Le Barde de Temrah.
  2. Le Massacre de Monah.