Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/59

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des obscurités ; dans Musset, bien des négligences et parfois un trop grand mépris de la technique de son art. Ils avaient du génie, c’est bien, et cela sauve tout. Vigny avait cherché une forme plus serrée ; mais il gardait des gaucheries de primitif. Avec Gautier, Banville et Baudelaire, puis avec Leconte de Lisle, qui fut le vrai maître des Parnassiens, le culte de la forme poétique se fait plus attentif et plus scrupuleux. On dirait que le romantisme se replie sur soi et qu’après s’être épandu il se resserre pour exprimer en des œuvres plus travaillées et plus précises ses sentiments essentiels, affinés et développés par le temps. Je sais que l’exactitude de ces vues trop générales est presque toujours sujette à caution ; mais, de même que la poésie un peu débordante et confuse de la Renaissance païenne s’est comme épurée et calmée au XVIIe siècle (à partir de Malherbe), ne pourrait-on pas dire que la Renaissance romantique, qui apportait, elle aussi, un monde d’idées et de sentiments nouveaux, est arrivée, dans la seconde moitié de ce siècle, à la pleine conscience d’elle-même et, plus réfléchie, s’est éprise d’une perfection plus étroite ? La différence, c’est que nos poètes classiques l’ont évidemment emporté sur ceux de l’âge précédent, au lieu que l’on peut douter encore que les poètes issus du romantisme aient égalé les trois grands initiateurs, Lamartine, Hugo et Musset. Mais enfin, à considérer l’histoire de très haut, nous avons dans les deux cas une poésie neuve, sortie d’un grand mouvement d’idées, qui peu à peu sub-