Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/80

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    Les voluptés du soir montent des horizons.

    Dans le recueillement des longs soirs parfumés,
    À l’heure où, scintillant comme un pleur sous des voiles,
    La tristesse des nuits monte aux yeux des étoiles…

Je crois bien que, si l’on cherchait où est décidément l’originalité de M. Armand Silvestre, c’est dans cette ampleur et cette monotonie des images, presque toutes empruntées aux grands phénomènes naturels, qu’il faudrait la voir. Panthéistes ou néo-grecs, bien d’autres poètes l’ont été de nos jours ; mais nul peut-être n’a eu au même degré cette uniforme et tour à tour admirable et insupportable sublimité d’imagination.

« Je ne connais pas Chicago, dit quelque part M. Cardinal ; mais je suis sûr que Chicago est autrement vivant que Rome. » — Eh bien, moi, je ne connais pas les Védas ; mais je suis presque sûr que la poésie de M. Silvestre ressemble parfois à celle de Védas, et je suis fort tenté de croire que ses vers sont peut-être, dans notre littérature, ce qui se rapproche le plus de ce lyrisme grandiose, éblouissant, vite ennuyeux, débordant d’images toujours les mêmes, où tout l’univers vit d’une vie énorme et confuse, où chaque métaphore, démesurée, est toute prête à devenir un mythe. Relisons quelques strophes de l’ami de Laripète :

    Comme au front monstrueux d’une bête géante,
    Des yeux, des yeux sans nombre, effroyables, hagards,