Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/99

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plus résister à son amour : ils fuiront tous deux, ou plutôt ils iront se jeter aux pieds de Kallista et la fléchiront… Kallista survient et chasse le jeune homme avec des imprécations ; mais Daphné le rejoint, la nuit, au tombeau des aïeux et meurt dans ses bras, car elle a pris du poison et l’évêque Théognis vient trop tard la délier du vœu de sa mère.

L’action, que j’abrège fort, est simple, grande et poignante, et les principaux états d’esprit qu’a dû engendrer la rencontre des deux religions y sont tous représentés. Daphné, chrétienne par docilité, mais l’imagination et le cœur encore pleins des divinités anciennes, mêlant avec candeur le culte du Christ, dieu des morts, au ressouvenir des dieux de la vie, est une figure d’une vérité délicate et charmante. Après le vœu cruel de sa mère, c’est à la fontaine des Nymphes qu’elle va jeter l’anneau des fiançailles :

    Ô fontaine où l’on dit que dans les anciens jours
    Les nymphes ont goûté d’ineffables amours,
    Fontaine à mon enfance auguste et familière,
    Reçois de la chrétienne une offrande dernière.
    Ô source ! qu’à jamais ton sein stérile et froid
    Conserve cet anneau détaché de mon doigt.
    L’anneau que je reçus dans une autre espérance…
    Réjouis-toi, Dieu triste à qui plaît la souffrance !

Quand son amant revient, toute la nature se soulève en elle dans une révolte irrésistible et chaste ; et pourtant elle subit encore l’attrait mystérieux du Dieu « qui n’aime pas les noces » :