Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/157

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dehors, revient tout seul à son point de départ par l’effet du contrepoids. Dans cette cour, les auges pour abreuver le troupeau, une brouette chargée de paille ; près du mur, une meule à aiguiser, et, au-dessus, un sabot cassé, servant de gaine aux lames usées. Des balais de bruyère sont debout contre la porte de l’écurie. On entend par la lucarne le bêlement d’un mouton malade. La grande fourche est piquée dans le fumier, à côté du râteau qui sert à mettre les crottes en morceau

Remarquez, outre la minutie excessive des détails juxtaposés, le luxe des explications techniques. Vous trouverez dans chacun des romans de M. de Glouvet une bonne douzaine d’inventaires de ce genre. Et ses paysages aussi sont, pour la plupart, des inventaires et n’arrivent que rarement à faire tableau : c’est la nature vue par un juge d’instruction qui a appelé le paysage « à comparoir ». Dans le Marinier, les détails abondent sur la vie du fleuve, sur la manoeuvre des bateaux, sur leur disposition intérieure, etc. : a-t-on la sensation de la Loire ? Dans le Forestier, toute la forêt nous est expliquée, et les mœurs et les métiers de ses habitants : a-t-on la sensation de la forêt ? En général, l’œil de M. de Glouvet décompose, mais ne résume pas : il nous laisse faire ce travail et se contente de nous le rendre facile. Il apporte, d’ailleurs, dans ses notations successives d’objets particuliers, une merveilleuse netteté, et qui n’est pas un petit mérite, même en littérature. — Et il va sans dire que j’exagère ici mon impression ; mais je continuerai à l’exagérer pour être clair.