Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/272

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totale est celle d’un vide profond. Quand ces morceaux de style ont quelques mois de date, ou quelques jours, l’insignifiance en est telle qu’ils sont absolument illisibles — à moins qu’on ne prenne un méchant et triste plaisir à constater cette insignifiance même.

Et l’on se demande : À quoi bon ? Voilà un genre d’écrits dont on s’est passé pendant six mille ans. De rares gazettes, pendant les deux derniers siècles, contentaient amplement le besoin qu’ont les hommes de savoir (pourquoi ? pour rien) les petites choses qui se passent autour d’eux. Il y a cinquante ans, Paris n’avait guère qu’une dizaine de journaux, que se partageaient la politique et la littérature. La chronique, comme on l’entend aujourd’hui, en était à peu près absente. Personne n’en souffrait. On peut donc vivre sans elle. Depuis, elle a envahi toute la presse. Est-ce la curiosité de la foule qui a provoqué ce développement de la chronique ? ou bien est-ce la chronique qui a développé cette badauderie ? Mystère.

Mais qui donc, Seigneur ! lit toutes ces chroniques parisiennes qui s’étalent tous les jours à la première ou à la seconde page des journaux ? Les gens du métier ne les lisent guère. Les délicats les effleurent tout au plus du bout des cils. Les hommes occupés aux travaux de l’esprit n’ont même pas le temps et n’auraient point le goût de les parcourir. Toutes ces chroniques ont les lecteurs qu’elles méritent et auxquels d’ailleurs elles s’adressent. Et ce sont exactement les mêmes qui se délectent aux romans de M. Georges Ohnet.