Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/279

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son métier de chroniqueur, ce qui est un don aussi rare peut-être que celui de bien écrire.

Malgré tout, il reste un peu de mystère dans la fortune de M. Albert Wolff. Comment a-t-il pu, avec rien, se faire une telle renommée ? Dirons-nous qu’à force de se croire le plus Parisien des chroniqueurs, il a fini par le faire croire au public ? Louis Veuillot nous fournira peut-être une meilleure explication. Vous vous souvenez que, dans les Odeurs de Paris, il appelle M. Wolff « Lupus le respectueux ». Il se pourrait, en effet, que M. Wolff fût arrivé par le respect. Il a commencé par être un reporter plein de déférence ; puis il s’est poussé et s’est maintenu par le respect du public, entendez par le respect des opinions et des goûts présumés de la haute et moyenne bourgeoisie. Il a toujours su ce qu’il faut à ses lecteurs, la dose exacte et l’espèce de philosophie, de fantaisie et de liberté d’esprit qu’ils peuvent admettre. Il sait aussi à quoi ils ne veulent point qu’on touche. Jamais il ne les heurte, jamais il ne les dépasse. Et son procédé est tel qu’il ne les fatigue jamais.

Ce procédé est fort simple. Une seule idée dans un article ; que dis-je ? une seule phrase. L’article est généralement divisé en quatre paragraphes. Vous mettez, je suppose, au commencement du premier : « Paris est la capitale de l’art. » Puis, vers le milieu du second : « Paris est véritablement la ville des artistes. » Puis, quelque part dans le troisième : « Le centre de l’art est à Paris. » Et à la fin du qua-