Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/295

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sur don Juan, et très significatives. Il me semble que nous mettons ordinairement un peu de nous dans l’idée que nous nous faisons de don Juan : celui de M. Fouquier est avant tout naïf, et il est toujours sincère. Il n’a ni cruauté ni vanité ; il n’a même pas de curiosités malsaines. Il est à cent lieues du sadisme, qui serait, dans cette théorie, tout le contraire du don-juanisme, C’est proprement le don Juan de Namouna, tiré au clair.

… Vous parlez de vanité ! Pour vous, don Juan touche au fat, et, dans son amour des femmes, entre la préoccupation des hommes. Mais c’est là le contraire de l’entraînement d’un « tempérament », et la vanité, chose toute cérébrale, n’a rien à voir avec l’émotion primesautière de don Juan, quand son regard se croise avec celui d’une femme, qu’il voit désormais seule là où il s’est rencontré avec elle… Ne faisons pas à l’amoureux l’injure de mettre de la vanité dans ce besoin de plaire, de connaître et de posséder, que nous flairons en lui à première vue, odor d’amore. Ne lui refusons pas non plus les douces sensations qui viennent du cœur et qui excusent et consolent les abandons des femmes. Le trait caractéristique de don Juan, c’est l’émotion auprès de celles-ci, émotion profonde, naïve, sincère, égale et peut-être supérieure en intensité à l’émotion réglée des hommes qui mêlent l’idée du devoir aux choses de l’amour, encourant par là le juste anathème du poète ! N’est-ce pas le cœur qui parle chez lui, quand il trouve Elvire touchante dans les larmes ? Mais que serait-il sans les palpitations délicieuses de son cœur, sinon un fou érotique, à livrer aux médecins ? Le don Juan honni est peut-être le seul homme qui n’aime jamais sans amour, et, s’il ne se fait pas à lui-même le mensonge de la durée, c’est qu’il ne veut pas être hypocrite, ayant cette religion