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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/298

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son propre pouvoir, et une obscure désespérance, de ne pouvoir aimer une femme, une seule, à jamais…

Je reviens à M. Fouquier. Ce qu’il a de l’éternel don Juan, c’est tout au moins le mépris des conventions sociales et de la morale mondaine :

… Car voilà où j’en veux venir, à cette simple constatation : il n’y a pas de morale sociale, il y a seulement une franc-maçonnerie mondaine, franc-maçonnerie absurde, aux rites cruels et sanglants, contre qui protestent notre cœur et notre raison. Chercher la loi du monde est même une folie : il n’y a qu’à la subir. Cette franc-maçonnerie établit qu’une jeune fille qui donne son cœur pour un bouquet de roses est perdue, tandis qu’une femme mariée qui le donne par caprice — ou pour un bracelet, comme les lionnes pauvres dont le monde honnête est plein, — n’est pas compromise, pourvu qu’elle y mette un peu d’hypocrisie, etc.

Partout où il voit l’amour, même un petit semblant d’amour, M. Fouquier s’attendrit, il a des tolérances infinies. Je n’ai pas à vous dire son indulgence pour les fautes des femmes, à condition qu’il y ait de l’amour dans leur fait, et un peu de « rêve ». Les Ninons même et les Marions sont assez de ses amies, pourvu qu’elles aient quelque bonté et quelque grâce et que leur vénalité ne leur interdise pas tout choix. Il a très finement analysé, et avec grande pitié, l’espèce de sentiment qui pousse les Manons du plus bas étage à avoir des Desgrieux. Il a montré, presque avec émotion et en condamnant sur ce point les railleries vulgaires, ce