Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/306

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N’est-il pas prouvé que l’idée de rester neuf années sous les drapeaux remplit d’allégresse tous les Français âgés de vingt et un ans ?

Avouez en outre qu’en dehors de la famille Bonaparte il n’y a plus pour la France que honte et misère ;

Le Moniteur publierait, pour le jour de l’enterrement, en tête de sa partie non officielle, cette note triomphante :

« Le fameux X…, qui après avoir donné, au coup d’État, sa démission de professeur de rhétorique au collège de Senlis, a été transporté à Lambessa aux frais de notre généreux gouvernement ; le fameux X…, pressé par l’évidence, a avoué, à son lit de mort, qu’il n’avait jamais été plus libre que sous ce règne, et qu’il expirait dans les bras de la Constitution, à laquelle il jurait obéissance dans ce monde et dans l’autre. »

Appliqué aux derniers moments de l’honorable M. Viennet, ce système eût peut-être réussi, et nous ne serions pas obligés de déplorer aujourd’hui qu’il n’ait pas craint de paraître devant Dieu, sans s’être préalablement muni des sacrements de l’impérialisme.

Une page isolée dit peu de chose. Mais songez que c’est tout le temps comme cela, — tout le temps. M. Rochefort déploie, à développer l’absurde, de remarquables qualités d’ordre et de méthode et une très réelle puissance d’imagination. Il y a, dans son œuvre de pamphlétaire et de chroniqueur, des inventions bouffonnes d’une immense drôlerie.

Mais, quand on prolonge un peu sa lecture, cette vision toujours et invinciblement grotesque des choses, sans une détente, sans un répit, devient enfin presque pénible, vous secoue d’un petit rire intérieur qui fait