Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/337

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la beauté de la vie. Les négations de M. Richepin sont plus ineptes que toutes les affirmations. Je suis honteux de voir un poète lyrique penser comme un antidéiste des Batignolles. Eh ! qui donc ne croit pas en Dieu ? Il y a tant de façons d’y croire ! Si on n’y croit pas comme le charbonnier, on y croit comme Kant ; si on n’y croit pas comme Kant, on y croit comme M. Renan, ou même comme Darwin ou comme Herbert Spencer. Ne pas croire en Dieu, c’est nier le mystère de la vie et de l’univers et le mystère des instincts impérieux qui nous font placer le but de la vie en dehors de nous-mêmes et plus haut ; c’est nier le plaisir que nous fait cette chose insensée qui est la vertu ; c’est nier le frisson qui nous prend devant « le silence éternel des espaces infinis » ou le gonflement du cœur par les soirs d’automne, et la langueur des désirs indéterminés ; c’est déclarer que tout dans notre destinée et dans les choses est clair comme eau de roche et qu’il n’y a rien, mais rien du tout, à expliquer. Or, c’est cela qui est stupide.

Mais, Dieu me pardonne ! j’allais m’indigner. J’oubliais que les Blasphèmes ne sont qu’un jeu de rimeur. Il était impossible de traiter avec moins de sérieux un sujet plus grave. Presque à chaque page, quand on est tout près de croire le poète emporté par un sentiment vrai, un mot malpropre vous éclabousse, ou une facétie lubrique, qui vous avertit que le poète s’amuse. Il nous dit en parlant des dieux :

 Et je vais leur souffler au c… pour me distraire.