Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/53

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veux-tu qu’il ne trouve pas une forme pour s’exprimer ?… Que de choses dans ce sacré XIXe siècle ! etc., etc.[1]

Voilà ce qu’ont merveilleusement vu MM. de Goncourt. Et ils aiment et comprennent d’autant mieux la vie moderne qu’ils n’en sont pas distraits par d’autres prédilections plus solennelles. En fait d’antiquité, ils ne connaissent que la plus proche, une antiquité de cent cinquante ans ; et encore de cette antiquité ils ne connaissent bien que les mœurs et la vie mondaine. Ils semblent aussi peu empêtrés que possible d’éducation classique. Il leur est arrivé, dans Madame Gervaisais, de parler de l’histoire de la philosophie de manière à faire sourire ceux qui la savent, ou simplement ceux qui sont « au courant ». Reid et Dugald-Stewart y sont appelés « les deux maîtres de la sagesse moderne[2] », et le reste n’est pas moins étonnant. Leur Grèce et leur Rome à eux, c’est la France du XVIIIe siècle, et c’est surtout le XVIIIe siècle féminin et corrompu. Ils l’ont étudié à fond dans son esprit, dans son cœur, dans ses modes, dans son art, dans ses fanfreluches. C’est sans doute dans cette étude que s’est affinée d’abord leur curiosité, développé leur « sens artiste », et que leur goût s’est délicatement perverti. Ils sont sortis de là tout préparés à sentir et à rendre le pittoresque propre à notre époque. Mais, mieux encore que leurs études histo-

  1. Manette Salomon, p. 324.
  2. Madame Gervaisais, p. 45.