Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/96

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Salomon et de Madame Gervaisais ? Il faudrait avoir exactement leurs yeux et leurs nerfs pour n’être jamais démonté par les étrangetés de leur peinture écrite. De bons esprits, même d’assez fins lettrés trouvent cela insensé, et le disent. D’autres trouvent cela fort curieux. J’ai peine, parfois, à aller au delà de ce sentiment, et j’ai peur que l’œuvre de MM. de Goncourt, dans ses parties excessives, ne soit une brillante erreur littéraire, une méprise fort distinguée sur les limites nécessaires où doit s’arrêter l’effort des mots, sur la nature et la portée de leur puissance expressive.


VI

Avec tout cela, les romans de MM. de Goncourt sont considérables dans la littérature contemporaine. Ceux qui les aiment, les aiment chèrement et peut-être, comme il arrive, pour ce qu’ils ont de contestable et d’inquiétant. Ce goût malsain s’explique si l’on considère que ce qui nous attache à un grand artiste, c’est ce qu’il a de particulier, ce sont ses qualités propres et vraiment originales, c’est-à-dire précisément celles qui, développées à outrance et sans contrepoids, deviendront des défauts aux yeux des critiques non prévenus et des esprits amis de la mesure ; mais les initiés ne s’en apercevront point, ou bien, comme ces défauts ne font qu’accentuer la