Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/107

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  Me fait comme du bien et du mal à la fois ;
  Et le mal et le bien, tout a les mêmes charmes…
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  J’ai l’extase et j’ai la terreur d’être choisi ;
  Je suis indigne, mais je sais votre clémence.
  Ah ! quel effort, mais quelle ardeur ! Et me voici

  Plein d’une humble prière, encor qu’un trouble immense
  Brouille l’espoir que votre voix me révéla,
  Et j’aspire en tremblant.
                           — Pauvre âme, c’est cela !

Avez-vous rencontré, fût-ce chez sainte Catherine de Sienne ou chez sainte Thérèse, plus belle effusion mystique ? Et pensez-vous qu’un saint ait jamais mieux parlé à Dieu que M. Paul Verlaine ? À mon avis, c’est peut-être la première fois que la poésie française a véritablement exprimé l’amour de Dieu.

Sentiment singulier quand on y songe, difficile à comprendre, difficile à éprouver dans sa plénitude. M. Paul Verlaine s’écrie avec saint Augustin : « Mon Dieu ! vous si haut, si loin de moi, comment vous aimer ? » En réalité, ce qu’il traduit ainsi, ce n’est pas l’impossibilité d’aimer Dieu, mais celle de le concevoir tel qu’il puisse être aimé, ou (ce qui revient au même) l’impuissance à l’imaginer dès qu’on essaye de le concevoir comme il doit être : principe des choses, éternel, omnipotent, infini… Comment donc faire ? comment aimer d’amour ce qui n’a pas de limites ni de formes ? L’âme croyante n’arrive à se satisfaire là-dessus que par une illusion. Elle croit