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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/126

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qui « secouait des pierreries », je me débats sur la rive, tout ruisselant et aveuglé de métaphores, le bruit des rythmes bourdonnant dans mes oreilles comme celui des grandes eaux ; et, dompté par un dieu, je reconnais et j’adore la toute-puissance de son verbe.

Ai-je jamais dit autre chose ? Des gens ont voulu me persuader, l’an dernier[1], que je lui avais manqué de respect. Pourquoi ? Pour avoir dit que, si nul poète ne parlait plus haut à mon imagination, deux ou trois autres disaient peut-être des choses plus rares à ma pensée et à mon coeur. À cause de cela, plusieurs m’ont traité de pygmée, ce qui est fort juste, — mais aussi de cuistre, de zoïle et même de batracien, ce qui est bien sévère. J’avoue que là-dessus, je ne les ai pas crus. J’appartiens à la génération qui a le plus aimé Victor Hugo. Je l’ai profondément et religieusement admiré dans mon adolescence et ma première jeunesse. Pendant dix ans je l’ai lu tous les jours et je lui garde une reconnaissance infinie des joies qu’il m’a données. J’ajoute que c’est peut-être pendant ces dix années-là que j’ai eu raison. Mais nos âmes vont se modifiant et, par suite, l’idée que nous nous formons des grands écrivains et des grands artistes et l’émotion qu’ils nous donnent ne sont point les mêmes aux diverses époques de notre vie : faut-il rappeler une vérité si simple ? Tout ce que je puis vous dire aujourd’hui, c’est donc l’impression que me laisse, aujourd’hui même,

  1. Voir l’article suivant.