Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/185

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toujours cru. D’où vient donc ce soulèvement contre le nouvel historien de Napoléon Bonaparte ?

Ces protestations si vives partent d’un sentiment qui paraît excellent quoiqu’il ne le soit pas, et que j’examinerai tout à l’heure, — pour le repousser.

Mais on ne fait pas seulement à M. Taine des objections sentimentales. On lui reproche de manquer de critique, de s’appuyer sur des documents arbitrairement choisis et sans valeur sérieuse. « Il nous cite toujours, dit-on, les Mémoires de Bourrienne, qui sont en grande partie apocryphes, et ceux de Mme de Rémusat, qui sont d’une ennemie, d’une femme qui avait contre l’empereur des griefs personnels, — et des griefs féminins. Quelle base fragile et menteuse pour y édifier l’histoire ! »

Eh bien ! non, ce n’est pas tout à fait cela. M. Taine (et nous pouvons nous en rapporter là-dessus à sa conscience d’historien, qui est difficile et exigeante) a évidemment lu tout ce que les contemporains ont écrit sur son héros. Lui-même nous avertit que sa principale source est la Correspondance de Napoléon, en trente-deux volumes. S’il cite volontiers Bourrienne et Mme de Rémusat, c’est sans doute que leur témoignage concorde avec l’idée qu’il se fait de l’empereur. Mais cette idée, il ne se l’est pas formée sur la seule foi de ces deux témoins ; elle est le résultat d’une vaste enquête préalable, qu’il n’avait pas à nous étaler. Quand il nous rapporte un mot de Mme de Rémusat (et il en rapporte aussi de Miot,