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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/187

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Mme de Rémusat n’était certes pas assez naïve pour penser qu’elle retiendrait longtemps un homme comme lui ; et, d’un autre côté, nous savons par elle que Napoléon la traita toujours avec des égards et une estime particulière. Enfin, qu’on ne dise point que, écrivant ses Mémoires sous la Restauration, elle devait être plus dure pour celui qui avait été son maître. Il me semble qu’à ce moment-là les anciens serviteurs de Napoléon devaient plutôt, devant le mystère tragique de cette destinée, être pris d’une immense compassion et comme pénétrés d’une horreur sacrée où s’évanouissaient les rancunes personnelles. Pour moi, je ne sens point chez Mme de Rémusat l’âme étroite et mesquine qu’on lui prête ; je suis fort tenté de croire à la parfaite liberté de son jugement comme à la sincérité de son récit ; et je ne pense point faire preuve, en cela, de tant de naïveté.

Pour en revenir à M. Taine, l’ensemble des textes et documents de toute espèce ne s’oppose point à ce que l’on conçoive Napoléon précisément comme il l’a fait. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’ils permettent aussi de le concevoir un peu autrement. Ainsi, sans nier l’exactitude générale de la colossale image construite par M. Taine, j’y voudrais çà et là quelques atténuations. Je crains, en y réfléchissant, qu’il ne place son héros d’abord un peu trop au-dessus, puis un peu trop au-dessous — ou en dehors — de l’humanité.