SULLY-PRUDHOMME
« LE BONHEUR »
Le dernier poème de M. Sully-Prudhomme est austère et beau, d’une beauté
toute spirituelle, et qui se sent mieux à la réflexion. Il fait rêver,
et surtout il fait penser. Bien que l’action se passe dans des régions
ultra-terrestres, c’est bien un drame de la terre ; et, quoiqu’il ait
pour titre : le Bonheur, c’est un drame d’une mélancolie profonde. Son
principal intérêt vient même de cette contradiction et de ce qu’on y
sent d’inévitable et de fatal. Instruisez-vous, mortels, et bornez vos
voeux.
Vous ne pouvez sortir ni de vous-même ni de la planète qui vous sert d’habitacle et que vous reflétez. Vous ne pouvez imaginer d’autres conditions de vie que celles qui vous ont été faites ici-bas par une puissance inconnue. Ce que vous appelez idéal n’est qu’un nouvel arrangement, fragile et incertain, des éléments de la réalité. Quand vous croyez rêver le