Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/222

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moderne et sur les Sciences, sont de pures merveilles. Les divers systèmes philosophiques et les principales découvertes de la science y sont formulés avec un éclat et une précision où nous goûtons à la fois la force de la pensée et une extrême adresse à vaincre d’incroyables difficultés. Cela tient du tour de force ? Soit. Ce n’est que de la poésie mnémotechnique ? Mais cette poésie-là a de nobles origines. Hésiode et Théognis l’ont pratiquée ; et l’on demeure stupéfait de tout ce qu’elle contient et résume ici. Au reste, elle n’exclut pas le mouvement ni la vie. L’histoire de la philosophie antique est menée comme un drame ; et quelle plus juste et plus expressive image que celle-ci (après la chanson des Épicuriens) :

 … Soudain, quand la joyeuse et misérable troupe
  Ne se soutenait plus pour se passer la coupe,
  Une perle y tomba, plus rouge que le vin…
  Ils levèrent les yeux : cette sanglante larme
  D’un flanc ouvert coulait, et, par un tendre charme,
  Allait rouvrir le cœur au sentiment divin.

Et je ne sais rien de plus beau, de plus riche de sens et de poésie, de plus saisissant par la grandeur et l’importance de l’idée exprimée, et en même temps par la simplicité superbe et la rapidité précise et ardente de l’expression, que ces trente vers où nous est rendue présente, comme dans un large éclair, la suprême découverte de la science et la conception la plus récente de l’unité du monde physique.