Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/24

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se former le goût sur l’exemple de mes devanciers, mais à coups d’analyse, en recherchant comment la poésie plaît aux hommes et comment elle peut parvenir à leur plaire autant que possible. » Et alors il s’impose d’énormes lectures. Il lit même des dictionnaires de rimes et de synonymes, et entreprend de se faire « un dictionnaire de style poétique( !) où il mettra toutes les locutions de Rabelais, Amyot, Montaigne, Malherbe, Marot, Corneille, La Fontaine, etc. »

Quelques-unes de ses opinions littéraires sont intéressantes et déjà révélatrices soit de son caractère, soit de son talent futur. Sans doute il est de son temps ; il admire encore Crébillon ; il déclare, après une représentation de la Suite du Misanthrope, que « d’Églantine est le plus grand génie qu’ait produit le dix-huitième siècle en littérature ». — Je comprends d’ailleurs que ce jeune homme de tant d’orgueil et d’énergie place très haut Corneille et même Alfieri : je conçois moins que celui qui doit écrire le livre de l’Amour fasse si peu de cas du théâtre de Racine. Mais il adore La Fontaine, Pascal, et, sans réserve et par-dessus tout, Shakespeare (ce qui était alors un sentiment original). Il a le goût et l’amour de la naïveté et de la vérité. Il fait d’excellentes remarques sur notre tragédie classique : « C’est une fausse délicatesse qui empêche les personnages d’entrer dans les détails, ce qui fait que nous ne sommes jamais saisis de terreur, comme dans les