Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/311

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me font considérer avec un peu d’étonnement l’extraordinaire prédilection de M. Paul Bourget pour les Anglais. Décidément, il les aime trop. Oh ! je m’explique très bien cette tendresse. M. Paul Bourget est pris à la fois par ce qu’il y a de plus noble en lui — et, si j’ose dire, d’un peu frivole. Il les aime comme le peuple le plus sérieux d’allures, le plus préoccupé de morale, — et aussi comme celui qui a le plus complètement réalisé son rêve de la vie élégante et riche. Mais, j’ai beau faire, quand j’y réfléchis, trop de choses me déplaisent chez eux. Je vois que c’est le peuple le plus rapace et le plus égoïste du monde ; celui où le partage des biens est le plus effroyablement inégal, et dont l’état social est le plus éloigné de l’esprit de l’Évangile, de cet Évangile qu’il professe si haut ; celui chez qui l’abîme est le plus profond entre la foi et les actes ; le peuple protestant par excellence, c’est-à-dire le plus entêté de ce mensonge de mettre de la raison dans les choses qui n’en comportent pas… Nous sommes, certes, un peuple bien malade ; mais, tout compte fait, nous avons infiniment moins d’hypocrisie dans notre catholicisme ou dans notre incroyance, dans nos mœurs, dans nos institutions, même dans notre cabotinage ou dans nos folies révolutionnaires. Surtout nous n’avons pas cette dureté et cet affreux orgueil. Le Français qui met le pied dans Londres sent peser sur lui le mépris de tout ce peuple. Ce mépris, tous leurs journaux le suent… Comment donc aimer qui